Le Chemin des Dames, avril 1917
1er prix de poésie libre Saintonge Littéraire 2014
par Françoise Pineau-Monbailly


Je ne veux pas mourir. Je ne vais pas mourir.
Je ne peux que souffrir sous la lourde mitraille, les obus et la pluie.
Je ne veux plus entendre les longs cris d’agonie
Des blessés, des mourants, mais la joie des enfants.
Et je ne veux plus voir sous ce ciel de cendres le sol déchiqueté,
Mais les blés ondoyants dans les champs en été.

Je veux sur cette terre éclatée, prendre une marguerite
Et dans un long soupir ses pétales effeuiller.
S’envolent mes pensées au dos d’un pigeon blanc :
Je t’imagine avec ta robe de coton, ton noir fichu brodé,
En main quelques bonbecs et le chien te suivant.
Je te dis à jamais mon éternel amour.

Je ne veux pas mourir dans ce coin désolé
Le corps étreint par l’eau dans ce trou dévasté,
Mais revoir ton sourire, tes yeux de biche aimante
Et à mon cou sentir la douceur de tes bras.
Je veux au chant du coq regarder de nouveau
La Terre belle et ronde et gracile et féconde comme une femme enceinte,
Celle qui m’a vu naître, grandir et prospérer,
Celle qui m’a donné la force et le courage, la patience et l’amour.

Que cessent ici le bruit et cette puanteur 
Qui rôdent jour et nuit ! Et la faim et la peur !
Que cesse le martyr de mes frères exténués, sacrifiés, oubliés !
Qu’ils soient délivrés de cette atrocité,
Entre assauts inutiles et forts bombardements à nous rendre fous, 
Et la terre assoiffée de sang et de haine.

Je suis là ma bien-aimée : m’entends-tu ? Me vois-tu ?
Mais le ciel s’obscurcit :
Est-ce la fumée des canons ou mes yeux qui se voilent : où es-tu ? Que fais-tu ?

Moi sais-tu, loin de Toi, je me meurs !
?



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