L’encre et la feuille

De l’incertaine croix du tremblant signataire

A la folle arabesque au bas du sceau des rois,

Des premiers A tracés entre deux fines lignes

A la calligraphie des moines du scriptorium,

Des premiers mots formés et enfin assemblés

Aux longues dissertations de nos années philo,

Des premières aventures de Oui-Oui et Martine

Aux encyclopédies de nos bibliothèques,

Des bouteilles à la mer aux longues banderoles,

De la ronde et la croche au lutrin orchestral,

De l’acte de naissance au testament final,

De la lettre d’amour aux Mémoires d’Outre-Tombe,

De la première lettre écrite au père Noël

Aux CV motivés d’enfants devenus grands,

Vous êtes les conteurs pour la postérité.

Une feuille et de l’encre, objets inanimés,

Messagers de nos vies, du temps et de l’histoire,

Le blanc s’offrant au noir et le noir l’épousant,

Donnant ainsi naissance au plus bel exutoire,

Apaisant nos angoisses, repoussant nos limites,

Transmettant le savoir, l’essence et l’expérience,

Pour que notre passage laisse au moins une trace.

Nous ne sommes pas vains, vous en êtes témoins.

Christine BORIE
1^er prix ex-aequo de poésie libre 2009

Ω

Impasse La Bruyère

J’ai voulu te revoir, après plus de trente ans ;

J’ai retrouvé ton nom inscrit dans l’annuaire,

Et l’adresse indiquée, «  Impasse La Bruyère »,

Me parlait des adieux de nos lointains printemps.

J’ai fait, vers ton portail, quelques pas hésitants.

Tout près du vieux  massif ocellé de lumière,
Le banc vert s’écaillait. Au toit de la verrière

Manquaient quatre carreaux, cassés depuis longtemps.

Quelqu’un se trouvait là, lisant sous la tonnelle :

Un homme à cheveux gris, en gilet de flanelle.

C’était toi, mon amour, tout pâle et frissonnant.

Une femme arrivait... Le son de sa voix claire

T’a fait lever les yeux, et, dans l’ombre légère,

Vous avez disparu, par la main vous tenant.

Yvonne LE MEUR  ROLLET

1er prix Henri Montarras

Poésie classique 2009

Ω