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Mais des différences apparaissent. Au nord de Saint-Jean-d’Angély, le pays d’Aulnay, jusque-là dans la généralité du Poitou, entre dans le département : Aulnay devient Aulnay-de-Saintonge ! En revanche, au sud-est de Saintes, les régions de Cognac et de Barbezieux sont, elles,incluses dans le département de la Charente. Par ailleurs, après des hésitations, le pays de Blaye se retrouve en Gironde.

La Charente-Inférieure est partagée en sept districts. Sans surprise, ils ont comme chefs-lieux La Rochelle, Rochefort, Saint-Jean-d’Angély et Saintes, les principales cités. Les trois autres sont ceux de Marennes et, en Haute-Saintonge, de Pons et de Montlieu : ainsi Jonzac, à son corps défendant, n’est que l’une des communes du district de Pons !

Comme dans beaucoup de cas, la détermination du chef-lieu du département n’aura guère été aisée. La Rochelle, Rochefort, Saintes et Saint-Jean-d’Angély étaient sur les rangs. À noter qu’à cette époque la population de la cité angérienne représentait les trois-quarts de celle de l’antique Mediolanum. Alors que, déjà dotée d’un intendant de la Marine, Rochefort est écarté, il a été question un temps d’instaurer un chef-lieu tournant. Pour d’évidentes raisons d’ordre pratique, l’idée ne va pas aboutir. En définitive, c’est la ville de Saintes qui est choisie par le comité parisien. Si son glorieux passé, et surtout sa position centrale dans le département, ont été déterminants, cette décision n’est pas acceptée de gaîté de cœur par des Rochelais nostalgiques de « leur » Généralité !

Se pose un problème particulier, celui de la numérotation. En effet, dès leur création, les départements reçoivent chacun un numéro qui correspond à sa position dans la liste alphabétique. Celui de la Charente-Inférieure est le 16 et non le 17. Pourquoi ? Le numéro actuel ne sera attribué que sous le second Empire, après que le comté de Nice, devenu français, donne naissance au département des Alpes-Maritimes : cette intrusion va alors décaler d’une unité les numéros de tous les départements qui venaient après lui, c’est-à-dire presque tous !

 

Dès 1790, dans un contexte national fiévreux, les départements sont en ordre de marche et, tant bien que mal, vont tenter dans la tourmente révolutionnaire de contribuer au bon fonctionnement de la France. Mais à la fin de 1799, l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte va amener d’importants changements.

 

La griffe napoléonienne : les préfets
 

          Le Premier Consul, sur la base des réformes des assemblées révolutionnaires, entend poursuivre la modernisation de l’administration française. L’apport de Napoléon est considérable dans des domaines essentiels comme l’enseignement ou la justice, remaniés ou parfois littéralement reconstruits.

Il entend conserver les départements. Mais dès son accession au pouvoir, il apporte de substantielles modifications. Ainsi, il met fin à la direction collégiale en créant les préfets, à la tête de chaque département, et les sous-préfets, à la tête des arrondissements, qui se substituent aux districts. Ces hauts fonctionnaires, aux pouvoirs très étendus, dépendent directement du gouvernement, qui les nomme.

Les limites des arrondissements sont globalement celles des défunts districts. Mais certains remaniements sont opérés, souvent pour réduire le nombre des circonscriptions. Ainsi en Charente-Inférieure, les deux districts de Pons et de Montlieu dispa­raissent pour, réunis, devenir l’arrondissement de Jonzac. La cité de Haute-Saintonge tient sa revanche !


 

Les premiers pas du département
 

Rapidement mis en œuvre, le nouveau dispositif, ici comme dans tout le pays, se montre efficace. Après le travail de l’Assemblée constituante, le Consulat achève la modernisation d’une administration dont le fonctionnement se trouve simplifié et clarifié.

D’emblée le rôle des préfets est affirmé et très important. Choisis directement par le maître de la France, ils doivent obéir à deux nécessités : posséder de grandes capacités, et montrer une fidélité inébranlable à Napoléon. Pragmatique, ce dernier va se montrer peu regardant sur les antécédents. Ainsi, il n’ignorait rien du passé sulfureux du baron Richard, nommé préfet en 1806, qui d’ailleurs, en raison de ses qualités, sera conservé après 1815 par Louis XVIII ! D’entrée de jeu, l‘action des préfets est appréciée dans la mesure où ils dirigent de main de maître l’administration, tout en s’intéressant à divers domaines comme le développement économique.

En 1810, un événement de premier ordre concerne le département : par le décret de Bruges, le chef-lieu, jusque-là fixé à Saintes, est transféré à La Rochelle ! Pourquoi ? Depuis 1790, la cité de Jean Guiton, auparavant siège de la prestigieuse Généralité, n’avait pas accepté le choix de Saintes. Ses représentants vont dès lors maintenir une certaine pression en multipliant, avec certes beaucoup de déférence, les démarches au plus haut niveau. Le maire, Garreau, et surtout le comte Regnault de Saint-Jean-d’Angély, ministre de l’empereur ( !) se montrent déterminés et efficaces.

Mais si Napoléon tranche finalement en leur faveur, c’est aussi pour des raisons bien précises. Lors d’un voyage officiel dans le département, l’impératrice Joséphine aurait peu apprécié l’accueil des épouses des notables de Saintes, en contraste avec une réception beaucoup plus chaleureuse à la Rochelle. Surtout, en raison de la menace navale latente de l’Angleterre, Napoléon a pu vouloir montrer l’intérêt qu’il portait à une grande cité maritime et à un pertuis d’Antioche, porte d’entrée du port de guerre de Rochefort, au rôle essentiel. Les moyens accordés dans tous les domaines, liés à l’implantation de la préfecture, ne pouvaient que favoriser l’essor de La Rochelle.

Bien entendu, même si comme lot de consolation la Cour d'assises restait implantée à Saintes, ses habitants reçurent mal une décision qui marqua l’histoire du département, en déplaçant définitivement son centre de gravité vers son extrême nord.

 

Une histoire de déjà plus de deux siècles 
 

           Comme l’immense majorité de ses semblables, le département de la Charente-Inférieure va au fil des décennies montrer sa solidité et l’efficacité de son rôle. Il est vrai que depuis 1810 il souffre d’un handicap certain, la position excentrée du chef-lieu, puisque les 170 kilomètres qui séparent La Rochelle de Saint-Aigulin constituent le record de France ! Mais les progrès des divers modes de transport ont atténué les inconvénients bien réels de cette situation..

Il faut toutefois signaler deux modifications. En 1926 l’arrondissement de Marennes disparaît, absorbé par celui de Rochefort. Le département ne compte donc plus que quatre sous-préfectures. D’autre part, en 1941 celui-ci change de dénomination, en devenant la Charente-Maritime. La raison est d’ordre psychologique et économique : l’adjectif « inférieure » prenait de plus en plus une connotation péjorative ! C’est ainsi que naissent également à cette période la Seine-Maritime et la Loire-Atlantique et, dans le même esprit, les Pyrénées-Atlantiques (ex Basses-Pyrénées).

En 2016 la suppression de la Région Poitou-Charentes laissera intacts ses départements. Compte tenu de l’étendue de la Nouvelle-Aquitaine, ils ne peuvent, la Charente-Maritime en particulier, que jouer un rôle plus affirmé que dans le passé.




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